Section PCF 92000 de Nanterre

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Intervention de Patrick Jarry sur le budget primitif 2018

le 14 janvier 2018

Séance publique du 15 décembre 2017 –

Monsieur le Président, chers collègues,

Aussi austère que soit sa lecture et son analyse, le budget d’une collectivité représente l’acte le plus fondamental et le plus politique que son assemblée aura à prendre. Plus que les déclarations d’intentions, communiqués, prises de positions diverses, il rend compte des intentions politiques de ceux qui le portent. Il est le principal témoin de la vision portée par ceux qui l’élaborent.

Or, les intentions, la vision que vous défendez à travers ce projet de budget primitif pour l’année 2018 ne se donnent pas immédiatement à voir pour ce qu’elles sont réellement. Elles se donnent les apparences de la bonne gestion ; de la gestion « en bon père de famille », selon l’expression consacrée.

Cette histoire que vous tentez de nous imposer, c’est celle que l’on nous raconte au niveau national depuis des décennies, pour justifier les politiques d’austérité chaque fois renforcées par les gouvernements successifs. C’est la même histoire que celle que nous raconte Monsieur Macron et son gouvernement, à qui vous reprochez pourtant de mener à l’encontre des collectivités la rigueur que vous appliquez vous-même dans notre département.

Cela fait donc des décennies qu’à différentes échelles, nous sommes enjoints à gérer les comptes publics « en bon père de famille », ce qui consiste à réduire toujours plus la part des financements publics consacrés à la collectivité.

Cela fait des décennies que l’on constate partout les effets de cette politique, qui n’aboutit à rien d’autre qu’au creusement des inégalités, à la fragilisation de ceux qui ont le plus besoin de solidarité, à l’exclusion d’une partie croissante de la population, et au final, au sentiment d’injustice et au délitement de tout ce qui fait société.

Mais pour les tenants de cette politique, tout ce qui touche à l’égalité, au vivre-ensemble, au renforcement de la communauté, importe peu. Ce n’est pas leur objectif. La fonction principale de ce discours sur une présumée « bonne gestion », c’est de faire écran à la vision sociale qui sous-tend en réalité le choix de ces budgets d’austérité ; car si cette vision était annoncée trop directement, elle ne serait pas acceptable. C’est dire à quel point elle est difficile à assumer.

Il va donc nous falloir la déceler nous-mêmes, en détecter les contours, la nature profonde et les vrais objectifs, pour pouvoir l’énoncer et la confronter à celles auxquelles elle fait concurrence.

Ainsi, le budget que vous nous proposez ressemble à s’y méprendre à ceux des années précédentes, à ceci près qu’il forcit encore le trait. Cette année, les recettes augmentent, notamment grâce à la hausse des droits de mutation (+70M€). Mais cette hausse ne profitera pas aux plus démunis de nos concitoyens. Elle ne permettra pas d’augmenter en proportion les dépenses de fonctionnement, qui sont réduites à leur portion congrue (de 1 496M€ à 1 485M€).

Non, elle vient réduire encore la dette – conformément à l’idée soigneusement cultivée qu’une bonne gestion consisterait à ne pas emprunter. Et surtout, elle vient alimenter la capacité d’autofinancement du Département (de 67M€ à 82M€), et donc l’excédent de la trésorerie. Quel sera son montant au compte administratif 2017 ? Je rappelle qu’il était en moyenne de 237M€ ces quatre dernières années, et qu’en 2016, il était de un demi-milliard d’euros… un tel montant d’excédent n’existe nulle part ailleurs en France.

Entrons dans le détail de ces propositions. D’abord, en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, qui diminuent cette année encore. Qui sera affecté par ces réductions ? En premier lieu, bien entendu, les plus faibles et les plus fragiles. Un million d’euros en moins pour le Fonds de Solidarité pour le Logement, 5M€ en moins pour la petite enfance.

Cette diminution des dépenses en faveur de l’action sociale ne doit pas masquer le fait que toutes les diminutions subies les années précédentes, sur chacune des actions relatives à l’éducation, au logement, à l’emploi, à l’environnement, au subventionnement des associations, sont, elles, maintenues- et vous avez raison, Monsieur le Président : sur 10 ans, cela fait beaucoup.

De même, il me faut vous rappeler que le Département des Hauts-de-Seine refuse de financer des organismes d’insertion des personnes très éloignées de l’emploi, alors que tous les autres Départements d’Ile-de-France, par exemple, contribuent au financement des Plans Locaux d’Insertion par l’Emploi en parallèle de leur action de soutien à l’insertion des bénéficiaires du RSA.

Vous refusez également d’assumer pleinement votre mission d’accompagnement des bénéficiaires du RSA, en imposant aux communes de payer à hauteur d’un tiers tous les frais de l’accueil à l’accompagnement.

Enfin, en réduisant de 6M€ les crédits alloués au personnel, vous mettez l’ensemble de celui-ci en grande tension. Vous privez les bénéficiaires d’un service serein et suffisant par une politique de RH visant à comprimer par tous les moyens la masse salariale – postes non remplacés durant des mois dans certains services sociaux tels que les EDAS, on parle de plus d’un tiers des postes vacants.

Cela traduit bien le sens de vos priorités. Vos choix de réduction de la dépense publique vont toujours dans le même sens, et pénalisent toujours les mêmes. Ils reviennent à ignorer notre vocation, notre raison d’exister.

Mes chers collègues, je vais énoncer trois faits que je rappelle inlassablement, année après année. Pardonnez-moi ces répétitions, mais il semble qu’elles soient hélas nécessaires.

Premier fait : les Départements sont les chefs de file des politiques sociales et de solidarité, qui devraient donc être leur priorité. Deuxième fait : le Département des Hauts-de-Seine Seine dispose d’excédents budgétaires considérables. Troisième vérité : ce département compte des personnes en difficulté, qui ont besoin d’être aidées ; actuellement, 190 000 alto-séquanais vivent sous le seuil de pauvreté.

Il ne s’agit pas ici de nier le contexte auquel nous faisons face depuis plusieurs années, de baisse des moyens financiers alloués par l’Etat aux collectivités, baisse qui va s’accroître encore – et que nous dénonçons avec force. Toutefois, l’ampleur des excédents révèle la possibilité d’en atténuer les conséquences pour les habitants des Hauts-de-Seine.

Autrement dit, les moyens dont nous disposons ne nous obligent d’aucune façon à contenir ni à réduire les dépenses de fonctionnement. Bien au contraire, avec des recettes en hausse, ils nous permettraient de les augmenter, plutôt que d’augmenter un excédent qui atteint des proportions inégalées en France, et qui en l’état ne bénéficie à personne sauf à ceux qui voudraient remporter une course vaine au « AA+ » des agences de notation financière.

Ainsi, nous aurions amplement les moyens financiers d’une politique ambitieuse en matière d’accompagnement des plus fragiles, de réduction des inégalités et des fractures territoriales. Une politique qui n’exclue personne. Une politique qui réponde aux besoins des populations. Une politique qui favorise le vivre-ensemble par l’émancipation de chacun, culturelle, sportive, sociale, économique. Plus encore que n’importe quel autre département, nous pourrions être garants d’une certaine justice sociale.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’examiner une augmentation des dépenses de fonctionnement pour l’année à venir. Nous avons repéré des dépenses utiles et possibles, à hauteur de 78,5 millions €. C’est une somme importante, mais vous avez des marges.

Nous les avons listées dans l’amendement que nous déposons, auquel je vous renvoie. Je ne citerai en exemple qu’une seule de ces mesures : 13 M€ supplémentaires pour la participation du département au fonctionnement des établissements d’accueil de la petite enfance dont le montant calculé sur le coût horaire/enfant n’a pas évolué depuis 2004.

Nous voulons continuer de défendre la vision d’un Département promoteur d’une politique ambitieuse, sociale, solidaire, écologiste et féministe.

Vos propositions en matière d’investissement témoignent elles aussi plus d’un positionnement politique que d’un souci de bonne gestion. Il semble que vous ayez choisi d’investir dans tout ce qui est susceptible de faire des Hauts-de-Seine un territoire d’entre-soi et d’exclusion, ignorant l’existence des plus fragiles, les rejetant à sa périphérie – sous couvert « d’attractivité ».

Ainsi, vous avez les moyens de couvrir le montant nécessaire au programme d’investissement justifiant la création de l’établissement Paris La Défense. Vous avez dit : « Nous voulons couvrir les 360M€ d’investissements qu’il y a à faire à La Défense ».

Vous avez demandé au Gouvernement que le Département soit majoritaire dans cet établissement pour faire cela, sans d’ailleurs qu’il y ait eu de véritable débat, ni au sein de cet assemblée, ni avec les alto-séquanais, sur les enjeux, l’état des deux établissements qui s’apprêtent à fusionner, la légitimité de votre intervention massive…

Vous proposez donc d’investir 30M€ dès cette année. Monsieur le Président, à ce sujet, il me faut vous mettre en garde : les alto-séquanais ne comprendraient pas que vous dégagiez les moyens d’investir dans La Défense, mais pas dans la rénovation des quartiers populaires à ses portes. Vous devez considérer que la réduction des fractures territoriales qui persistent au sein de ce département fait partie de vos devoirs et de votre raison d’être. Or, en l’état, vous n’annoncez aucun engagement sur ce volet.

Ici à Nanterre, mais aussi à Gennevilliers, Asnières, Colombes, Villeneuve-la-Garenne, les quartiers retenus par l’Etat au titre du 2nd programme national de renouvellement urbain doivent eux aussi pouvoir compter sur votre participation. Nous vous demandons donc de dégager des moyens pour ces quartiers sous la forme d’une aide exceptionnelle, identifiable en tant que telle, et qui s’ajoute à celles qui sont habituellement comprises dans la contractualisation avec les communes concernées.

De même, vous avez les moyens d’investir dans l’acquisition de terrains dans le quartier des Groues, à Nanterre, et donc de faire du portage foncier dans cette ZAC qui s’apprête à entrer en phase opérationnelle. Soit.

Je tiens cependant à rappeler que vous vous êtes opposé il y a quelques semaines à ce que ces terrains soient acquis par l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France, établissement régional que les alto-séquanais contribuent à financer, puisqu’une part des taxes dont ils s’acquittent y est dédiée. Les 16M€ que vous comptez dépenser aux Groues auraient ainsi pu être utilement investis ailleurs, si vous aviez accepté cette intervention de l’EPFIF, qui a été créé pour cela !

Vous auriez pu choisir, par exemple, d’investir bien plus que vous ne le proposez, dans l’aide à la construction de logements sociaux, alors que l’intensité de la crise ne diminue pas, et que les mesures annoncées par le Gouvernement en matière d’APL vont considérablement freiner la construction. Je rappelle à cet égard qu’en 2016, 100 663 ménages alto-séquanais attendaient un logement social, quand seulement 11 862 logements étaient attribués dans le département. C’est donc un rapport de 1 à 10, soit une durée d’attente moyenne de 10 ans, pire qu’en Île-de-France !

Les priorités que vous affichez sont d’autant plus étonnantes et inattendues que, faut-il le rappeler, le Département n’a ni la compétence de l’aménagement, ni la compétence du développement économique – bien que la compétence de l’aménagement ait été exceptionnellement rétablie pour vous pour que vous puissiez prendre la tête du quartier d’affaires.

Monsieur le Président, vous avez récemment signé une tribune des présidents de Départements, pour défendre l’existence de cet échelon dans l’architecture institutionnelle de l’espace métropolitain, dans un contexte incertain.

Pourtant, tout dans votre proposition contribuer à décrédibiliser les Départements, à renier leur vocation et leur utilité.

Vous déplorez la baisse continue des dotations qui vous sont allouées, vous les dénoncez comme inacceptables – ce que nous partageons. Mais dans le même temps, aucune de vos propositions ne vise à fortifier l’intervention publique globale, et vous délaissez progressivement vos missions, année après année.

Au lieu de vous attacher à faire du Département un outil de solidarité, en investissant pour la réduction des fractures territoriales et sociales, vous participez activement à la construction d’un espace métropolitain parmi les plus inégalitaires du monde. Les Hauts-de-Seine comptent 12% de ménages vivant sous le seuil de pauvreté, contre 17% au niveau régional, et près de 27% en Seine-Saint-Denis. C’est encore moins qu’à Paris, qui compte 14% de ménages sous le seuil de pauvreté.

De même, la fusion des Hauts-de-Seine et des Yvelines que vous défendez ardemment, tout en vous gardant bien de la soumettre à la consultation publique, accrédite les arguments de ceux qui pensent qu’il faut en finir avec les départements. Regrouper à marche forcée les Départements riches de l’Ouest donne les arguments à tous ceux pour qui cet échelon ne porte pas les enjeux de l’aire métropolitaine.

Cette année encore, le budget que vous proposez est un budget frileux, un budget d’austérité, un budget de régression sociale et environnementale. Il n’est promoteur ni d’innovation écologique, ni d’égalité territoriale, ni d’un meilleur accès aux droits des plus en difficulté, et encore moins d’une plus grande solidarité. Sa seule ambition est de conforter la puissance du Département – mais au bénéfice de qui ?

Votre politique tourne le dos à la solidarité, démantèle ou réduit les services utiles à la population, contrarie le travail de qualité des acteurs de terrain.

C’est pourquoi le groupe Front de Gauche et Citoyen votera contre ce budget, et vous soumet une autre proposition ; une proposition qui défend une politique de justice sociale et de réduction des fractures, volontariste en matière de protection des plus vulnérables, promotrice d’un développement solidaire, social, humain, culturel de notre territoire.