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Absence de moyens et de politiques volontaires pour la rentrée scolaire. Intervention de Pierre Ouzoulias

le 04 novembre 2016

Absence de moyens et de politiques volontaires pour la rentrée scolaire. Intervention de Pierre Ouzoulias

Séance publique du 14 octobre 2016
Intervention de Pierre Ouzoulias

Monsieur le Président, Cher(e)s Collègues,

Le débat sur cette délibération est traditionnellement l’occasion de dresser un bilan de la rentrée dans les collèges. Avant d’en dire quelques mots, nous aimerions nous féliciter de notre volonté commune de donner à l’éducation un rôle déterminant dans l’organisation de notre société et singulièrement aujourd’hui pour la résorption des maux qui la menacent.

Dans un monde bouleversé en permanence par des mutations profondes qui touchent à la fois nos savoirs, nos processus de travail, mais aussi nos modes de représentations, nous pensons qu’il est essentiel d’apporter aux jeunes des bases de connaissances suffisamment larges et des méthodes de pensée suffisamment générales pour qu’ils trouvent en eux-mêmes les capacités et les ressources pour ne pas subir les changements et devenir les acteurs de ces évolutions.

Nous pensons aussi que le savoir, la formation d’un esprit critique, la culture, la constitution d’une conscience citoyenne sont essentiels pour s’opposer efficacement à la montée de la barbarie des ignorances, aux retours des fanatismes et aux déferlements des intolérances. Ne soyons pas dupes, ce qui est fondamentalement en jeu aujourd’hui, c’est le statut de la connaissance et la place des enseignants et des savants dans notre société.

Néanmoins, force est de constater que si ces constats et ces objectifs sont unanimement partagés, l’absence de politique volontaire et de moyens pour les transformer en actes l’est aussi. Cette critique générale porte sur les conditions imposées aux équipes pédagogiques dans le cadre de la réforme des collèges décidée par le gouvernement, mais aussi au budget départemental destiné à les aider.

Au nom d’une liberté et l’une autonomie des établissements bien illusoires, il a été in fine demandé aux équipes pédagogiques de gérer une pénurie politiquement inavouée. En effet, la réforme du collège a eu pour conséquence de réduire les heures d’enseignement et les matières enseignées. Le latin est ainsi devenu une discipline accessoire dont l’enseignement dépend de la débrouillardise du principal et de son équipe. Amorcée sous le quinquennat précédent, sa disparition est maintenant bien engagée et sera sans doute définitive lors des prochaines rentrées. On peut observer cet abandon, cum grano salis, et se demander si le retour en force des gauloiseries n’a pas pour conséquence de jeter l’opprobre sur la langue de leurs vainqueurs et de leurs envahisseurs.

Plus sérieusement, la situation des collèges est tendue et l’une des causes les plus sérieuses en est le problème récurrent du recrutement. Les collèges de l’académie ont connu une augmentation de 5 000 élèves et dans le même temps 2 000 emplois non pas été pourvus. Il manque 80 professeurs de mathématiques et bientôt autant pour l’anglais ou les sciences physiques. À la désaffection nationale pour les disciplines scientifiques s’ajoute la situation particulière de notre département dans lequel il n’est plus possible de se loger quand on commence sa carrière avec un salaire équivalent à 1,1 fois le SMIC. L’attractivité du département se joue là aussi Monsieur le Président. Le marché privé n’offre plus de logement financièrement accessible aux jeunes fonctionnaires qui ont fini par former un forme de sous-prolétariat intellectuel, à la suite de la régression continue de leur pouvoir d’achat. Comme le soulignait très justement M. Wuillamier, le directeur académique des services départementaux, il existe dans les Hauts-de-Seine une situation de l’emploi très particulière à laquelle l’Éducation nationale ne peut apporter seule de réponse.

S’agissant des dotations de fonctionnement attribuées par le département aux collèges, il convient de distinguer encore plus nettement cette année, comme vous nous l’invitez à le faire, le fonctionnement général et les activités pédagogiques. Vous avez décidé de reprendre en gestion directe les dépenses d’eau, d’électricité et de chauffage des collèges et nous pensons que c’est de bonne politique. Une gestion écologiquement responsable de tous ces flux exige des compétences de plus en plus pointues que n’ont plus les gestionnaires des collèges. Il est donc sage de la transférer au personnel du département, d’autant plus que la dépense énergétique moyenne des collèges des Hauts-de-Seine est très au-dessus de la moyenne. Il faut engager rapidement un plan ambitieux d’économie d’énergie et il doit être coordonné et mis en œuvre dans ces murs.

Néanmoins, ce transfert pourra poser à certains collèges des problèmes de trésorerie. Nous vous demandons de les accompagner pour leur permettre de gérer cette transition sans heurt. Par ailleurs, cette réforme pourrait être l’occasion de revoir les modalités d’attribution des crédits aux collèges. Trop souvent, dans plusieurs collèges, la totalité du fonctionnement courant ne peut être payé que grâce à l’octroi d’une dotation exceptionnelle en fin d’année civile. Il serait préférable que la dotation couvre la totalité des charges générales, quitte à ce que son versement se fasse en plusieurs tranches, en fonction de la consommation réelle.

En ce qui concerne les crédits destinés au financement des activités pédagogiques, vous reconnaissez que leur montant, per capita, n’augmente pas et nous vous remercions pour cette franchise qui nous a évité cette année des calculs fastidieux. Néanmoins, nous sommes obligés de constater amèrement que ces crédits vont baisser du taux de l’inflation une nouvelle fois cette année, comme en 2016, comme en 2015, comme en 2014, comme en 2013 et comme en 2012.

Vous allez justifier cette baisse récurrente par le haut niveau de participation du département au financement des activités pédagogiques. Nous ne partageons pas votre satisfaction, car le département ne finance pas du tout ou nettement moins que d’autres collectivités des dispositifs qui sont essentiels pour l’éducation des élèves des collèges, comme les transports, avec le remboursement d’une partie du coût de la carte Imagine’R, ou la restauration scolaire. Sur ce dernier point, nous demandons une nouvelle fois un alignement des barèmes sociaux du département sur ceux de la Région pour augmenter la progressivité des tranches.

Comme l’an passé, le Conseil départemental de l’Éducation nationale des Hauts-de-Seine a émis un avis négatif sur ce projet de délibération. Comme l’an passé, nous rejoindrons les enseignants et les parents d’élèves dans cette réprobation. L’Éducation nationale doit devenir, pas seulement en paroles, un élément essentiel de la refondation de notre République. Elle a besoin d’être défendue par de nouveaux moyens.