Section PCF 92000 de Nanterre

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Commémoration du 8 mai 1945

le 10 May 2017

Commémoration du 8 mai 1945

Lundi 8 Mai 2017

INTERVENTION DE PATRICK JARRY

Cérémonie commémorative du 72ème anniversaire de la victoire du 8 Mai 1945

Monsieur le Préfet,

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Il y a 72 ans, grâce à l’union des Forces Françaises Libres, des mouvements de Résistance intérieure, de l’Armée d’Afrique et des armées alliées, l’Europe obtenait la capitulation sans condition des troupes allemandes et se libérait du nazisme.

Cette reddition mettait fin à sept années d’une guerre terrifiante, qui aura reculé les limites de la civilisation et de la violence, dans des proportions inédites.

Pour la première fois, une guerre ne voyait pas seulement s’opposer des Nations, mais elle fut la première grande guerre idéologique de l’Histoire.

Le nazisme, idéologie barbare, abjecte, folle, destructrice, fondée sur la soi-disant supériorité d’une race, et qui engendra la Shoah, entraîna le monde dans une spirale de l’horreur, où nombre de valeurs de la civilisation furent sauvagement piétinées.

Pour la première fois, il n’y eut pas de distinction entre civils et militaires.

Pour la première fois, ce conflit vit la mobilisation complète des ressources économiques, humaines et scientifiques, dans la poursuite de l’objectif de réduire à néant des populations, des individus, du seul fait de leurs naissances, pour la seule raison de leurs appartenances politiques ou de leurs orientations sexuelles.

Plus de 100 millions de combattants mobilisés, près de 62 millions de personnes tuées, la déportation, les chambres à gaz, l’extermination de populations entières ou de catégories particulières d’individus, les expérimentations sur des êtres humains.

Auschwitz, Mauthausen, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück, Drancy, Oradour-sur-Glane, Tulle, le Vel d’Hiv : tous ces noms seront à jamais synonymes d’horreur et engendreront un traumatisme moral à très grande échelle.

Ces sept années de conflit ont, et continuent d’avoir, une résonnance bien particulière dans notre pays.

La France, comme la quasi-totalité des pays européens, se retrouva très tôt engagée dans ce conflit.

Après la défaite de 1940, le Maréchal Pétain signa un armistice déshonorant dans la forêt de Compiègne, là même où avait été signé le 11 novembre 1918, l’armistice de la première guerre mondiale.

Dès lors il y eut ceux qui acceptèrent la partition de notre territoire et qui se jetèrent dans les bras des forces d’occupation. Et ceux, peu nombreux au début il est vrai, qui entrèrent en résistance, ceux qui entendirent, le 18 juin ou les jours suivants, les paroles d’un général de brigade quasiment inconnu, du nom de De Gaulle.

Il y eut ceux qui entrèrent dans la milice, collaborant sans honte avec l’ennemi, pourchassant et tuant les résistants, traquant et déportant les juifs.

Et puis il y eut ceux qui refusèrent d’aller en Allemagne, réfractaires au Service du Travail Obligatoire ; ceux qui organisèrent des réseaux pour créer de faux papiers ; ceux qui cachèrent des enfants, des femmes, des hommes, parfois des familles entières de compatriotes pourchassés parce que nés juifs, et qu’on appelle du beau nom de « Justes ».

En nous réunissant aujourd’hui, en transmettant l’Histoire de France, il nous faut prendre conscience de l’importance des choix individuels, et leurs incidences dans le devenir collectif.

Jean-Paul Sartre nous disait : « Choix et conscience sont une seule et même chose ».

Alors, quand la France fut occupée par les armées nazies, certains eurent pour seule conscience leur survie, leur confort, les avantages qu’il pouvait tirer de voir leurs voisins arrêtés et déportés, les bénéfices qu’ils pouvaient profiter d’une population rationnée, dépossédée de tous biens.

Aussi, certains refusèrent de choisir, fermant les yeux sur le régime le plus barbare et sanglant que l’Humanité ait connue, niant les arrestations d’enfants, de vieillards, de femmes et d’hommes, que le régime nazi, avec la complicité active de Vichy orchestraient, omettant volontairement les persécutions, la déportation, les spoliations, sûrs qu’ils ne seraient, eux, jamais la cible du IIIème Reich.

D’autres, par conviction, ont collaboré et ont participé activement à mettre en place la solution finale, ont planifié les arrestations, sont allés bien souvent au-devant et au-delà des demandes de l’occupant.

La Rafle du Vel d’Hiv est l’illustration parfaite du zèle avec lequel des moyens considérables de l’appareil d’Etat ont été mobilisés pour commettre l’innommable. Alors pourquoi faudrait-il cacher ou minimiser cette vérité ? Au risque d’aller dans le sens de ceux qui cherchent en permanence à relativiser des faits pourtant établis ? A renvoyer dos à dos les victimes et leurs bourreaux ? Le président Jacques Chirac a eu raison, en 1995, de mettre à nu une responsabilité d’Etat, et cela ne retire rien à la grandeur de celles et ceux qui ont su dire non.

Car heureusement, certains ont refusé cette idéologie barbare, et ont pris le risque de résister, de combattre, de sauver des vies, et souvent en perdant la leur.

C’est bien à cette France combattante, cette France qui ne renonça pas, cette France résistante que nous rendons hommage aujourd’hui.

Nous commémorons la victoire de celles et ceux qui, au-delà de leurs différences, se sont levés, ont su se rassembler autour d’un idéal de paix, de justice et de tolérance, pour vaincre une idéologie raciste et destructrice.

Unis dans la résistance à l’oppression et réunis dans la construction d’un monde qu’ils voulaient meilleur.

Chacun fut riche de sa diversité, chacun fut unique par sa naissance et son histoire, et tous ensemble, ils s’engagèrent pour une cause qui a fait de nous des femmes et des hommes libres.

Au-delà de leurs confessions et de leurs nationalités, au-delà de leurs différences culturelles, au-delà même des opinions politiques et des origines sociales, ils surent se rassembler pour vaincre le régime le plus sanguinaire de l’Histoire.

Nous devons donc nous souvenir du rassemblement de ces combattants de l’ombre, de ces partisans.

Nous souvenir de ces résistants qui refusèrent la résignation, qui refusèrent de céder  au fatalisme.

Nous souvenir de leur vision, de leur solidarité et honorer les idéaux qui les animaient.

Nous souvenir du rassemblement dont notre pays a été capable, en des temps obscurs.

Oui, souvenons-nous de la réunion, côte à côte, des Français d’Outre-mer et de ceux qui avaient pu fuir la métropole.

Gardons en mémoire le sacrifice des Tirailleurs Sénégalais, des Chasseurs d’Afrique, du Bataillon de Choc des Commandos d’Afrique, des Spahis, des Tabors marocains, algériens et tunisiens, des roumains, hongrois et polonais du groupe Manouchian ;  tous ces hommes et toutes ces femmes, « ces étrangers et nos frères pourtant » écrira Aragon, qui ont participé à la Libération de la France.

Tous ont fait le choix de dire NON. Tous, dans leur singularité personnelle, se sont engagés en faveur d’un NOUS.

Individuellement, quand tant d’autres se sont interrogés pendant trop longtemps, ils ont fait le choix de se sentir appartenir à un collectif, et de s’unir

A leur image, nous nous réunissons, dans notre diversité républicaine pour honorer leur mémoire, et faire preuve de devoir de mémoire.

Faire œuvre de mémoire, c’est garder le souvenir de ces engagements et les transmettre.

C’est porter au quotidien les valeurs de vivre ensemble, de Paix, de justice, et de vigilance.

Alors en ces temps si troubles, le devoir de mémoire et de vérité qui nous a été légué en héritage par les combattants de l’ombre, nous impose de ne pas rester passifs face au déroulement de l’Histoire. De rassembler nos forces, entre progressistes et humanistes, contre tous ceux qui s’obstinent à entretenir la haine et l’intolérance.

Il faut savoir faire barrage à la construction d’un système visant à diviser et à opposer les uns aux autres : voilà ce que cette période nous enseigne.

« Ne perdons rien du passé car ce n'est qu'avec le passé que l'on fait l'avenir. » Ces mots d’Anatole France soulignent l’importance d’un devoir de mémoire qui nous incombe collectivement.

En nous rassemblant en ce 8 mai, et en faisant ce travail de mémoire et de vérité historique, il nous faut aussi nous rappeler les terribles massacres qui ont eu lieu ce même 8 Mai 1945 en Algérie, dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata. Une cérémonie en hommage à ces milliers de victimes se tiendra cet après-midi sur le parvis de l’Hôtel de Ville.

Notre ville et ses habitants se sont toujours mobilisés pour la reconnaissance et la mise en lumière de toutes les mémoires, qui forment notre Histoire collective.

Nos commémorations prennent ainsi tout leur sens, en nous réunissant dans notre diversité républicaine.

Je remercie l’ensemble des participants à cette cérémonie :

  • les associations d’anciens combattants, qui nous font l’honneur de nous raconter leurs expériences et contribuent à ce que la mémoire des victimes de l’époque perdure ;
  • les enseignants qui transmettent l’Histoire à leurs élèves ;
  •  tous les citoyens et les jeunes générations qui, par leurs choix, leurs présences et leur intérêt pour cette période, nous laissent à penser que nous n’aurons plus à revivre de telles tragédies.

 

Je vous remercie.